On s’est croisé ce matin, peu avant 9 heures.
J’avoue que, parfois, quand je roule dans le coin, j’ai la vigilance
en éveil, l’œil attentif aux voitures que je croise, à la recherche de la
tienne à l’horizon. Ce matin, non : je n’avais l’idée que l’on se croise à
cette heure-là, et j’étais « concentré » sur le fait d’aborder le rondpoint tout en pensant à je ne sais plus
quoi. C’est drôle : trou noir là-dessus ! Et toi, te souviens-tu de
ce à quoi tu pensais avant de percevoir ma voiture ? Je peux me tromper ;
mais je crois que tu as perçu ma voiture, un peu avant, ou en même temps, ou un
peu après que je t’ai perçu. Je ne saurais dire.
De mon côté, mes yeux, et j’ai envie d’écrire « mon cœur », ont
perçu ta voiture, t’ont perçu, avant ma conscience. D’aucun à la place de « mon
cœur » jugerait : mon cerveau reptilien, mon inconscient.
Blablabla.
Toujours est-il que l’amorce de mes gestes pour te faire
signe s’est faite avant même que je ne m’en rende compte. Dans l‘instant où c’est
monté à ma conscience a déboulé dans mon esprit tout à la foi : la surprise
de m’apprêter à te croiser, la surprise d’être « déjà » en train de
tenter de te faire signe, la surprise de ressentir que l’amorce de ce geste s’adressait
« à toi que j’aime » d’une manière totalement hors sol : c’est-à-dire
en faisant « abstraction » de ta décision de rupture et de tout ce
qui suit. Le « [celle que j’aime mais aussi]… celle qui m’a plaqué, et qui
blablabla, et que blablabla » ne me semble vraiment pas venu en moi avant
que le fait qu’on allait se croiser se répande dans ma conscience. Exactement en
même temps ? Une fraction de temps plus tard ? Je suis incapable de
le percevoir. Mais pas avant ; de
cela, je suis absolument certain. Et cette prise de conscience a en partir
bloqué le geste que je t’adressais. Saccade dans mon bras droit : faire signe ?
Ne pas faire signe ? Le «faire signe ! » l’a emporté…à
moitié Je crois que j’ai tenté d’amorcer un sourire timide. Je n’en suis pas
certain.
Je veux t’exprimer : cela a bougé en moi la consistance
du mot « spontanéité » ! Etonnante expérience de vie. Vraiment.
Je n’ai pas eu le temps de percevoir ton visage, ton
expression, ton regard. Je n’ai pas eu le temps de percevoir ce que ton visage,
ton expression, ton regard exprimaient. Je n’ai pas eu le temps de percevoir ce
que ton visage, ton expression, ton regard me disaient, ni même s’ils me
disaient quelque chose. Sensation de frustration de ne pas avoir réussi à « attraper
cela au vol ». Qu’as-tu ressenti ? Qu’as-tu exprimé, si tu as exprimé
quelque chose ? Et toi, qu’as-tu perçu, si tu as perçu quelque chose de ce
qui était à l’œuvre dans cette voiture verte, la mienne, qui roulait dans le
sens opposé de la tienne ? Questions sans réponse pour moi ! En toi,
as-tu les réponses à ces questions ?
Il m’aura fallu arriver au boulot, et choisir de commencer à
bosser sur un truc bien tordu, bien compliqué, pour réussir vraiment à passer à
autre chose. J’ai essayé plusieurs fois sur le reste du trajet. Ça marchait
quelques minutes, et puis, hop, ça se cassait la gueule ! Pas glop, la
tête dedans ; presque glop quand je réussissais à faire un pas de côté. J’en
ai souri, presque ri, à un moment donné, arrivé à cet endroit de l’autoroute où
l’approche de la ville se révèle le plus largement à l’horizon, en haut de la
descente qui précède la montée ou il faut ne pas oublier de passer à 90 km/h.
Peut-être que la prochaine fois où tu passeras par-là, tu
penseras à cela ! Et donc à moi. ;-)
Et toi, en toi, tu es vite passé à autre chose, ou ce
croisement t’a « hanté » aussi plus longtemps que tu ne l’aurais
souhaité ?
Dans la journée, c’est revenu en moi plusieurs fois. Et en
toi ?
Sur le trajet, à un moment donné, dans la ligne droite en M.
où il est dit qu’il faut faire attention aux animaux, est venu en moi le « film
intérieur » suivant : nous nous croisons sur « la route »
(une route !). Deux freinages, le tien, le mien. Nous mettons les clignotants,
regards rivés sur le rétro. L’un de nous fait demi-tour ; je ne saurais
dire lequel de nous deux. Descentes de voiture. Tu m’engueules. Je suis un peu
statufié. Tu me gifles peut-être. J’attrape ton bras peut-être. Il se passe je ne
sais pas quoi encore Des larmes finissent par monter à nos yeux, d’un côté, comme
de l’autre. Et puis, et puis, nous finissons dans les bras l’un de l’autre, à
nous embrasser éperdument.
Phantasme de ma part ? Bien entendu !
Le truc, c’est que comme tout ce que je désire à ton égard,
c’est des phantasmes insensés tout le temps où tu ne leur ouvriras pas la porte
sur la possibilité de devenir autre chose. S’il en reste ainsi en toi, à mon
égard, et à leur égard, pour toujours, évidement tout cela restera ainsi, sous
cette forme, avec cette définition : « phantasmes insensés »,
pour toujours !
Mais si... blablabla. Le sens de ce genre de choses, comme
de bien d’autres, peut bouger, ou pas, en fonction de ce qui se fait, ou pas.
Dans le cas présent…c’est toi qui a la clef ! C’est toi qui fais le
sens de ces choses. Là-dessus, et bien d’autres
choses, je crois, tu as un foutu pouvoir !
Je t’aime. Hier. Aujourd’hui. Et surement demain. Après
demain ? Je peine à imaginer qu’il puisse en être autrement.
Est-ce « mal » de continuer à t’aimer et de blablabla ?
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